vendredi 31 juillet 2020

Épilogue




Épilogue











La peau tendue ruisselait de sang sous un ciel bas et lourd. Écartelée entre deux spires, la carcasse exposait à la cité ses entrailles répugnantes. Ses bras étaient écartés, accrochés avec du fil barbelé aux tuiles humides. Du visage en ruines, il ne restait plus grand chose. Ses yeux avaient été arrachés et jeté en contrebas, où des corbeaux se battaient pour récupérer le butin. Dans les orbites vides avaient été enfoncés les ongles arrachés aux mains et aux pieds.
Ses lèvres et sa langue avaient été tranchées. Cela n'empêchait pas le condamné de gémir dans le microvox qui pendait à son cou. Ses râles d'agonie étaient retransmis en échos sinistres dans tout le disctrict de Nostramo Quintus, portés par les vents pollués jusque dans les cœurs des habitants.

Sur le toit opposé, au milieu des stryges et des cheminées, se tenait une ombre parmi les ombres. De ses yeux rouges, elle fixait le cadavre plaintif sans aucun plaisir, ni aucun remords.
Le gang des Barbelés n'était plus. Ils avaient tenté de l'arrêter avec leurs armes pathétiques ; il leur avait brisé les os comme des allumettes. Leur bête ridicule lui avait sauté dessus, mais il l'avait arrêté en plein saut en l'attrapant par le cou.
Elle avait jappé, faisant claquer ses crocs dans le vide en griffant son armure dans une frénésie risible. D'un simple geste, il lui avait brisé la nuque et avait renvoyé le cadavre rouler aux pieds de son maître, dont le visage masqué avait eu bien du mal à garder sa prestance.
Saoul de terreur, il avait pensé en réchapper en balbutiant des promesses inutiles. Ce n'est que lorsque le géant avait retiré son casque qu'il l'avait reconnu. Il l'avait alors appelé par son prénom, un prénom que seules deux personnes connaissaient, et l'une d'elles était morte.
C'est pour Celyne qu'il était venu, mais le chef du gang révéla au géant qu'une autre femme avait voulu le venger.
Elle avait tué quatre hommes, et les autres l'avaient gardée captive pour lui faire payer son audace. L'un d'eux, un retors aux cheveux longs et sales, au ventre barré de cicatrices, avait fait d'elle l'objet de sa rancune.

Il avait refusé d'en dire plus, constatant la fureur de son adversaire. Ce dernier lui avait fracassé les côtes à coups de poings pour le forcer à parler.

C'est en vomissant du sang à travers son respirateur qu'il avait avoué, agonisant, que son second l'avait gardée prisonnière, enchaînée à la merci de tous les abus et tortures que le gang avait imaginé, des mois durant.
Quand elle fut devenue trop faible, son corps ravagé et meurtri fut livré en pâture aux carnivores des bas-fonds. Les hanches brisées, sous les rugissements de la foule, elle avait crié son nom sous le supplice.

Un grésillement dans ses oreilles le tira de ses pensées.

- Capitaine ?

Ses yeux restèrent figés sur l'épouvantail sanglant qu'était devenu Dorkh.

- Kordha.

Numéro Trois.

- Le Leviathan est prêt à quitter l'orbite vers le point de saut. La flotte nous attend, frère. Nous ne sommes pas encore à la manœuvre mais l'impatience de Veryn devient... agaçante.

Certaines choses ne changeraient jamais...

- Cependant, il attendra, répondit Vytraan d'une voix calme. La galaxie peut brûler sans nous, quelques heures de plus.

Quitter Nostramo, il n'aurait jamais pensé le faire un jour. Puisque le temps était venu, autant profiter quelques instants de plus du spectacle.
La pluie commençait à tomber. La lueur de l'éclipse éternelle creva les nuages, donnant à la cité l'aspect fade qu'elle avait toujours eu, en palette de cobalt et d'ardoise sous le ciel ocre.

Les corbeaux décidèrent soudain de délaisser les yeux glissants et peu pratiques, pour se délecter de viande fraîche directement sur leur proie.
La plainte du nostramien monta crescendo et résonna dans les rues alors que ses chairs étaient arrachées de ses os.
Très vite, d'autres charognards se joignirent à la curée, et l'averse se fit plus forte.

L'Astartes s'accroupit, penchant la tête sur le côté comme il savourait le goût de la revanche. Fut un temps où la chaîne alimentaire faisait de Dorkh un prédateur dangereux pour lui.

Au son des hurlements, Vytraan concéda avec un sourire sadique que certaines choses pouvaient changer.




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