Épilogue
La
peau tendue ruisselait de sang sous un ciel bas et lourd. Écartelée
entre deux spires, la carcasse exposait à la cité ses entrailles
répugnantes. Ses bras étaient écartés, accrochés avec du fil
barbelé aux tuiles humides. Du visage en ruines, il ne restait plus
grand chose. Ses yeux avaient été arrachés et jeté en contrebas,
où des corbeaux se battaient pour récupérer le butin. Dans les
orbites vides avaient été enfoncés les ongles arrachés aux mains
et aux pieds.
Ses
lèvres et sa langue avaient été tranchées. Cela n'empêchait pas
le condamné de gémir dans le microvox qui pendait à son cou. Ses
râles d'agonie étaient retransmis en échos sinistres dans tout le
disctrict de Nostramo Quintus, portés par les vents pollués jusque
dans les cœurs des habitants.
Sur
le toit opposé, au milieu des stryges et des cheminées, se tenait
une ombre parmi les ombres. De ses yeux rouges, elle fixait le
cadavre plaintif sans aucun plaisir, ni aucun remords.
Le
gang des Barbelés n'était plus. Ils avaient tenté de l'arrêter
avec leurs armes pathétiques ; il leur avait brisé les os
comme des allumettes. Leur bête ridicule lui avait sauté dessus,
mais il l'avait arrêté en plein saut en l'attrapant par le cou.
Elle
avait jappé, faisant claquer ses crocs dans le vide en griffant son
armure dans une frénésie risible. D'un simple geste, il lui avait
brisé la nuque et avait renvoyé le cadavre rouler aux pieds de son
maître, dont le visage masqué avait eu bien du mal à garder sa
prestance.
Saoul
de terreur, il avait pensé en réchapper en balbutiant des promesses
inutiles. Ce n'est que lorsque le géant avait retiré son casque
qu'il l'avait reconnu. Il l'avait alors appelé par son prénom, un
prénom que seules deux personnes connaissaient, et l'une d'elles
était morte.
C'est
pour Celyne qu'il était venu, mais le chef du gang révéla au géant
qu'une autre femme avait voulu le venger.
Elle
avait tué quatre hommes, et les autres l'avaient gardée captive
pour lui faire payer son audace. L'un d'eux, un retors aux cheveux
longs et sales, au ventre barré de cicatrices, avait fait d'elle
l'objet de sa rancune.
Il
avait refusé d'en dire plus, constatant la fureur de son adversaire.
Ce dernier lui avait fracassé les côtes à coups de poings pour le
forcer à parler.
C'est
en vomissant du sang à travers son respirateur qu'il avait avoué,
agonisant, que son second l'avait gardée prisonnière, enchaînée à
la merci de tous les abus et tortures que le gang avait imaginé, des
mois durant.
Quand
elle fut devenue trop faible, son corps ravagé et meurtri fut livré
en pâture aux carnivores des bas-fonds. Les hanches brisées, sous
les rugissements de la foule, elle avait crié son nom sous le
supplice.
Un
grésillement dans ses oreilles le tira de ses pensées.
-
Capitaine ?
Ses
yeux restèrent figés sur l'épouvantail sanglant qu'était devenu
Dorkh.
-
Kordha.
Numéro
Trois.
-
Le Leviathan est prêt à quitter l'orbite vers le point de
saut. La flotte nous attend, frère. Nous ne sommes pas encore à la
manœuvre mais l'impatience de Veryn devient... agaçante.
Certaines
choses ne changeraient jamais...
-
Cependant, il attendra, répondit Vytraan d'une voix calme. La
galaxie peut brûler sans nous, quelques heures de plus.
Quitter
Nostramo, il n'aurait jamais pensé le faire un jour. Puisque le
temps était venu, autant profiter quelques instants de plus du
spectacle.
La
pluie commençait à tomber. La lueur de l'éclipse éternelle creva
les nuages, donnant à la cité l'aspect fade qu'elle avait toujours
eu, en palette de cobalt et d'ardoise sous le ciel ocre.
Les
corbeaux décidèrent soudain de délaisser les yeux glissants et peu
pratiques, pour se délecter de viande fraîche directement sur leur
proie.
La
plainte du nostramien monta crescendo et résonna dans les rues alors
que ses chairs étaient arrachées de ses os.
Très
vite, d'autres charognards se joignirent à la curée, et l'averse se
fit plus forte.
L'Astartes
s'accroupit, penchant la tête sur le côté comme il savourait le
goût de la revanche. Fut un temps où la chaîne alimentaire faisait
de Dorkh un prédateur dangereux pour lui.
Au
son des hurlements, Vytraan concéda avec un sourire sadique que
certaines choses pouvaient changer.
*
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