Chapitre
XX
Night
Haunter
La
salle du trône n'avait rien de ce qu'on pouvait imaginer en tant que
telle. Ses vitraux creux, sans couleurs, évoquaient des scènes de
carnage et d'horreur. Aux colonnes de pierre étaient rivetées des
cages, des corps décharnés où la vermine venait se repaître. Une
forêt de chaînes pendait de la voûte ferrée, tintant contre des
bannières déchirées qui se balançaient mollement.
Au
dehors, le froid de l'espace était encombré par des vaisseaux de
guerre aux couleurs sinistres. Aucun d'entre eux, cependant, n'était
assez macabre pour rivaliser avec le Nightfall. Le
vaisseau-amiral des Night Lords évoquait un requin terrible, lent et
froid, prêt à déchaîner une violence inconcevable à tout
instant. Tel un banc de prédateurs, le groupe se laissait dériver
aux abords d'une planète désertique, prisonnière d'une atmosphère
turquoise. Un monde de plus allait subir de plein fouet les
cataclysmiques conséquences de son refus à intégrer l'Imperium.
Ce
spectacle n'émerveillait aucunement les guerriers présents dans
l'enceinte, habitués à ce temps de préparation qui précédait
chaque conquête, durant lequel le calme latent n'était qu'une chape
de brume trompeuse.
La
sauvagerie, bientôt, éclaterait.
Debout,
sans casques, ils restaient silencieux, comme de sombres gardiens aux
ordres de leur maître. À leur tête, Sevatar portait comme à son
habitude sa hallebarde posée sur l'épaule avec négligence.
Certains ici-même l'enviaient, il le savait, mais ne s'en souciait
pas. En ce lieu, ils n'étaient pas ennemis.
Ils
étaient le Kyroptera, l'élite de la légion, le cercle de
conseillers directs de leur Père. Seul Corten, un sergent aux états
d'arme exemplaires, n'appartenait pas à la confrérie.
À
en juger par les regards dont il était la cible, certains se
demandaient pourquoi, lui aussi, avait été convoqué. De telles
considérations n'étaient pas de leur ressort et, même s'ils
s'interrogeaient, ils étaient tous des officiers exceptionnels à
même de ne pas perdre de temps sur des suppositions.
Juger
les ordres de leur Père n'était pas concevable pour eux.
Son
trône d'obsidienne, épineux et tranchant, les surplombait.
Personne
n'aurait pu dire si Konrad Curze, Primarque des Night Lords, évoquait
plus un monarque sans pitié ou un roi vaincu, aux ailes brisées.
Sa
cape faite de peaux suturées tombait en cascade de son trône. Son
visage, plus froid que la mort, était encadré de ses longs cheveux
noirs et ses minces lèvres violacées cachaient un sourire plus
effrayant que n'importe quelle lame.
La
voix du Primarque évoquait un roulement de galets dans une rivière
de sang.
-
Corten, avance.
Le
sergent vint se placer sous le regard du Primarque, mettant un genou
à terre. Les Night Lords ne s'agenouillaient que devant leur père.
-
Tu retournes sur Nostramo.
La
stupéfaction se lit dans les yeux de Corten. Autour de lui le
Kyroptera échangea des regards emplis de moquerie, à l'exception de
Sevatar.
Konrad
parla avant que l'un de ses fils n'ait le temps de le faire.
-
Je ne t'y envoie guère faire pénitence, mon fils, dit-il. Depuis
trop longtemps, la légion est rejointe par de vils individus
indignes de mon sang.
Des
incapables ignares et perdus à mille lieues de mes enseignements
polluent nos rangs.
Les
mots du Night Haunter ajoutèrent au froid de la salle le souffle
glacé de ses remontrances.
-
J'ai appris que les Word Bearers, dans le souci d'entretenir leur foi
idiote, avaient créé un ordre de Chapelains chargés de sermonner
et diffuser le credo de Lorgar à ses fils. Malgré l'inimitié que
je peux ressentir envers mon frère, ce concept m'a séduit. J'ai
décidé que la légion inclurait dorénavant des Chapelains pour
assurer que tous respectent mes édits.
Il
se leva, tendant une main griffue vers le sergent à genoux.
-
Corten, je te nomme Premier Chapelain de la légion. Je connais ta
valeur et ta loyauté. Tu vas partir pour Nostramo et veiller à ce
que mes fils ne reçoivent mes gènes que s'ils les méritent. Ils
seront le bras armé qui sèmera la mort en avant de la légion.
Ils
seront l'incarnation de mon courroux et rappelleront à la galaxie la
sentence qui attend les systèmes séditieux.
Donne-moi
une nouvelle Compagnie, Corten. Une Compagnie de la Terreur.
Le
Premier Chapelain acquiesça.
-
Je ferai selon vos ordres, monseigneur.
Le
Primarque tourna son regard vers Sevatar.
-
Premier Capitaine, la tâche de sélectionner les futurs Chapelains
vous incombe. Je sais que ce travail ingrat ne vous sied guère, mais
vous êtes celui que je choisis pour mener à bien cette entreprise.
Le
Premier Capitaine fit la moue brièvement. Personne ici, même
Corten, n'ignorait qu'il était celui en qui leur Père avait le plus
confiance.
Cette
assignation était tout, sauf illogique.
-
Pars sur-le-champ, Corten. Tu peux prendre l'Abhorrent, je
t'en confie le commandement. Entoure toi de ceux que tu
jugeras utiles à ton entreprise. Mon fils, je place en toi ma
confiance, ne me déçois pas...
Il
n'y avait nul besoin d'en dire plus. L'avertissement était
terriblement clair.
Au-dehors,
des lances de lumières apparurent alors que les vaisseaux lançaient
leurs modules d'atterrissage à l'assaut de la planète. Les défenses
orbitales ouvrirent le feu et bientôt, le ballet des vaisseaux et
des ogives dessina des arcs colorés dans le silence de l'espace.
Les
sables de ce monde seraient bientôt gorgés de sang.
Les
yeux du Primarque semblèrent se perdre dans le vide l'espace d'une
seconde, avant qu'il se rasseye sur son trône.
-
Enseigne-leur, Corten. Fais leur comprendre la souffrance et
débarrasse leurs cœurs de toute pitié. Apprends-leur
l'implacabilité.
Le
sourire qui se dessina sur le visage de Konrad n'en était pas un.
Il
découvrit ses dents acérées ; un tableau fracturé à la
gloire de la cruauté.
-
Et quand ce sera fait, Corten, enseigne-leur la vengeance.
*
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