vendredi 31 juillet 2020

Chapitre XV - Intomia







Chapitre XV

Intomia









Laisser son esprit divaguer et songer au gouffre froid de l'espace était une chose que les humains faisaient depuis des temps immémoriaux. Ils passaient de l'émerveillement à la stupéfaction selon les chimères qu'ils imaginaient et celles qu'ils finirent par découvrir. Le voyage spatial devint très tôt une réalité, permettant à l'Humanité d'expérimenter ce nouvel élément, de s'en imprégner et de perfectionner les technologies. Au cours des années passées à glisser silencieusement dans le cosmos, nombre d'explorateurs eurent l'occasion de laisser, eux aussi, leurs pensées dériver telles des comètes inconscientes. Progressivement, de nouveaux phénomènes furent observés, de nouvelles manières d'appréhender le voyage spatial furent élaborées.

Cependant, rien ne vint enrayer la fascination des hommes pour ce vide béant et vaste, ni la peur viscérale qu'ils ressentaient à la folle idée que d'immenses menaces rôdaient, invisibles et froides, entre les étoiles.

Dans le Secteur Nostramo, apparut un vaisseau qui portait au pinacle l'idée que se faisaient les colons de jadis d'un prédateur stellaire. Sa coque noire engloutissait les étoiles devant lesquelles il passait. De ses moteurs grésillait un souffle infernal.
Ses innombrables batteries défensives étaient autant de pointes acérées qui étaient prêtes à foudroyer le premier imprudent venu troubler le calme apparent de la nef sinistre. Sa proue massive était ornée d'un crâne malfaisant à l'expression moqueuse, encadré d'une paire d'ailes décharnées.

Corten, Lebian et Veryn observaient l'Intomia alors qu'il arrivait face à eux, légèrement au-dessus de l'Abhorrent. Depuis la passerelle, le panorama avait somme toute quelque chose d'artistique, pour peu que cette notion ait un quelconque intérêt pour les Night Lords. L'immense vaisseau les surplombait, auréolé dans son dos des rayons agressif de l'étoile, qui jaillissaient comme autant de lances lumineuses des superstructures cauchemardesques.

- Le Premier Capitaine sait soigner ses entrées. Dit Veryn en esquissant un sourire.

Corten gardait les yeux fixés sur l'Intomia, qui était en phase de décélération. Tous les serviteurs de la passerelle en faisaient autant, à l'exception des esclaves lobotomisés greffés à leur poste de travail et insensibles à toute forme de distraction. Lebian avait les yeux fermés, l'esprit concentré en une mince méditation alors qu'il sondait de son esprit la coque du vaisseau. Ça et là demeuraient, accrochées fébrilement au métal aiguisé, les traces fossiles des consciences du Warp qui avaient navigué dans le sillage du cuirassé.
D'un geste de la main, Corten ordonna sans mot dire aux officiers de pont d'ouvrir une fréquence avec le nouvel arrivant. Une poignée de secondes fut nécessaire pour que le signal soit établi, fort et clair.

- Intomia, de l'Abhorrent. Nous sommes prêts à vous recevoir à bord.

Un silence fut sa seule réponse. Les grésillements de la fréquence furent bientôt remplacés par une série d'alarmes. Des runes de ciblage apparurent automatiquement en réponse à l'alerte de bord, clignotant d'un rouge vif.
Parmi elles, une rune que Corten qualifia de circonstance puisqu'elle reprenait en Gothique le nom du vaisseau au-dessus d'eux en un avertissement clignotant :

INTOMIA. MENACE.

Un officier à l'uniforme délavé s'exclama d'une voix paniquée.

- Monseigneur, le... l'Intomia vient de nous verrouiller avec ses modules de visée, nous captons une hausse de ses émissions énergétiques, devons-nous lever les boucliers ?

Lebian ouvrit les yeux, avant que sa voix calme ne porte sur le pont.

- N'en faites rien. Comme l'a si bien souligné le Sergent Veryn, notre Premier Capitaine accorde grand soin à ses arrivées. Il s'agit d'une manœuvre d'intimidation, ses navettes sont déjà en train de décoller pour nous rejoindre.

A ces mots, les senseurs signalèrent de nouveaux échos en déplacement rapide. Un escadron venait de quitter l'Intomia et filait à toute vitesse. Alors que le petit groupe évoluait en un large cercle qui les amènerait sur les flancs de l'Abhorrent, la fréquence se remit à grésiller avant qu'une voix ne recouvre la passerelle d'une chape de brume, plus froide que la mort.

- Abhorrent, nous sommes venus pour vous.

La connexion fut coupée sans ménagement, et Corten fronça les sourcils en soupirant bruyamment. Il fit volte-face et, coiffant son casque, marcha d'un pas décidé vers le turbo-lift qui conduisait au hangar tribord.
Lebian lui emboîta le pas, non sans avoir au préalable pris la peine d'armer son pistolet bolter.
Veryn se retrouva soudain bien seul, et décida qu'il préférait se joindre aux retrouvailles. Avant de quitter la passerelle, il marcha vers l'officier responsable des systèmes d'armement qui, de toute évidence, n'avait aucune envie de prendre part à une conversation avec le caractériel sergent.

- Toi ! Dit Veryn en dominant l'humain de sa stature imposante.

L'officier semblait ratatiné face à l'Astartes, mais tenait visiblement à faire bonne figure et ne bronchait pas.

- Monseigneur ?

- Si l'Intomia ouvre le feu sur nous et que nous sommes condamnés, je te tiendrai personnellement pour responsable. Si tu n'es pas foutu de riposter efficacement, je jure sur le sang de mon Père que je reviendrai ici pour te vider de tes entrailles avant que nous explosions tous.

Il quitta la passerelle, satisfait du petit effet qu'il avait eu sur l'équipage. Aucun de ces humains n'oserait baisser sa garde l'espace d'une seconde désormais, convaincus que son avertissement les concernait tous. Ils n'avaient pas tort, mais Veryn estima que les probabilités pour qu'un tel scénario se produise étaient tout au plus faibles.

Le hangar était fidèle à l'image que le commun des mortels pouvait se faire de lui : stérile, inanimé, empreint d'une atmosphère aux relents d'huile et de chaleur mécanique. Les quelques vaisseaux de transport qu'il abritait étaient tous en maintenance, entretenus par des esclaves dans des conditions dont Corten n'avait que faire.
Son masque à tête de mort observait par ses lentilles écarlates le transport Thunderhawk en approche finale, escorté par deux vaisseaux de combat.
Le fracas de leurs moteurs résonna dans le hangar quand la formation franchit les boucliers de protection. L'imposant transport se posa lourdement sur le sol d'acier, écrasant sous son poids les amortisseurs hydrauliques de ses trains d'atterrissage.
Dans le chuintement des turbines qui ralentissaient, la rampe de nez s'abaissa alors que les premiers serviteurs connectaient le fuselage du Thunderhawk aux modules de ravitaillement du hangar.
Au même moment, Veryn finit par rejoindre le Chapelain et l'Archiviste, non sans croiser du regard les lentilles rouges visibles dans le cockpit.

L'Astartes qui descendit la rampe portait un casque coiffé d'une paire d'ailes rouge sang. Sa plaque faciale rappelait celle de Corten et son armure, faute d'être décorée de parchemins, était ornée de lambeaux de chair. Son épaulière droite était sculptée pour représenter le crâne d'un cougar de Nostramo, symbole d'appartenance à la Première Compagnie de la 8ème légion.
Il portait, nonchalamment par-dessus l'épaule, une hallebarde tronçonneuse, une arme incarnant toute la sauvagerie nostramienne et qui suscitait autant de jalousies que de craintes.

Jago Sevatarion, Premier Capitaine des Night Lords, se campa devant son comité d'accueil et retira son casque, découvrant des yeux cruels et un rictus mauvais barré par une cicatrice.

- Premier Capitaine, le salua Corten. Bienvenue chez vous.

- Premier Chapelain, répondit Sevatar. Il jeta un regard à Lebian et à Veryn, tous les deux dépourvus de casque. Veuillez excuser mon protocole de contact, je tenais à m'assurer qu'aucun doute ne perdure quant à mes bonnes intentions.

Du casque du Chapelain ne suinta aucune émotion.

- Les initiés sont prêts à affronter leur épreuve. Le Frère-Sergent Veryn et le Frère-Archiviste Lebian, ici présents, ainsi que moi-même avons suivi les directives de notre Primarque à la lettre. Ces initiés formeront la souche des futures Escouades Terreur et les recrutements suivants seront largement optimisés par nos travaux depuis le début de notre présence.

Sevatar ne sembla guère impressionné, se contentant de jauger ses interlocuteurs. Veryn semblait captivé par sa hallebarde.

- Avez-vous quelque chose à ajouter, Sergent ?

Corten demeura impassible, mais fermait les yeux derrière son casque en espérant que rien ne dérape. Il s'en serait presque voulu de tuer lui-même son subordonné si la situation dégénérait.
Veryn hocha la tête sur le côté, en haussant légèrement les épaules.

- Eh bien, Premier Capitaine, je ne peux qu'admirer le travail remarquable qui a été effectué sur votre arme. A n'en pas douter, elle doit être d'une efficacité exquise. Sa renommée au sein de la légion égale la vôtre.

Lebian se sentit rassuré intérieurement, que Veryn eut usage de mots aussi convenables, pour une fois. Il se retint de lui lancer un regard suspect, et préféra profiter de cette surprise bienvenue.
C'était sans compter sur son indéfectible condescendance.

- Je trouve qu'elle gagnerait en notoriété à être maniée par un Sergent plutôt qu'un Capitaine.

Plus rapide que l'éclair, Corten s'était retourné, la main crispée sur son pistolet. Cet imbécile allait les tuer tous, s'il n'était pas déjà trop tard.
Veryn n'eut pas besoin de dire quoi que ce soit d'autre tant le regard mortifère était campé dans le sien. Le silence qui s'ensuivit fut rompu par un bruit acéré qui se répéta en résonnant contre l'acier du hangar.
Malgré leur âge, ni Corten, Premier Chapelain de la légion, ni Lebian, comptant parmi les doyens des forces de l'Imperium, n'avaient entendu ce son auparavant.

Sevatar riait.




*






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire